mardi 24 décembre 2013

Porte-money




Les machines éclatent, les écrans sursautent, les sons se frappent, pas d’écho, que du brouhaha. Les pieds s’acharnent contre le plancher, les poings contre l’air, des bras se tirent, des doigts se croisent. Les sous glissent dans les fentes comme des doigts se faufileraient sous une jupe. On s’infiltre dans les poches, on gratte en espérant tomber sur le gros lot et de monter au ciel. On se remue, on s’entrechoque, les yeux brillent devant les icônes lumineuses, sauf que le reste brille de moins en moins. Notre place perd son confort, le petit tabouret rustique donne mal au cul, les chambres d’hôtels ne sont plus disponibles pour se le faire cajoler. Bruits, lumières, sensations : maux de crâne. La tête se vide de joyaux, le corps par ses pores vomit une sueur de pauvreté. Le cerveau disparaît sous une pile de désespoir : il ne reste que des nègres dans le fond du sac. On voudrait que tout s’éteigne en même temps que soi, que la visite au casino ne soit qu’un rendez-vous chez Morphée. Un rendez-vous chez Morphée qui aurait mal tourné, comme la visite d’une pute et que la femme décide de se pointer. Déboires, déboires, la belle histoire. Routine des amateurs des machines à sous du casino. 

Ils s’oublient derrière l’image derrière la vitre parce qu’ils n’ont pas l’intelligence nécessaire pour autre chose. Ils sont sots et naïfs, se fient à leur bonne étoile quand, simplement leur présence en ce lieu, indique qu’ils n’en ont pas. Ils sont aveugles et aveuglés et finalement muet rêvant d’être sourd. Le seul sens qui ne les abandonne jamais est bien le goût : l’éternel amertume a comme endroit préféré la bouche de ses prêcheurs. 

Au casino, les gamblers se regroupent en plusieurs catégories, séparées de manières plus complexes que «chanceux» et «malchanceux». Il y a tout d’abord les hommes, les femmes, les travelos. Il y a ensuite, les nouveaux/touristes, les occasionnels, les occasionnels à en devenir, les accros, les maîtres et souvent le Dieu soit du Poker, soit du Blackjack. On peut encore les diviser selon leur loisir, leur jeu de prédilection : les flemmards (pourquoi réfléchir et analyser quand je n'ai qu'à tirer qu’une manette et devenir riche), les hésitants (j’aime bien la roulette, j’ai quelques choix seulement à faire et une chance sur deux de l’emporter) et les cartomanciens (il y a l’arnaque, il y a l’expérience, il y a l’expertise et il y a des astuces, il y a surtout des règles). 

Il y a des personnages inconnus, parmi eux certains ne valent pas la peine d’être regardé. Il y a des individus qui se la pètent trop. Entre les deux, il y a ces mystérieux inconnus qui pourraient ramener n’importe quelle nana dans ses draps. 

Ces mystérieux inconnus qui vivent dans le monde des cartes sont les plus intéressants. 

©2013 Ariane B.

lundi 2 décembre 2013

Montréal, la mesquine



Je suis une croqueuse d’hommes à ce qui paraît
Voilà que je trouve une concurrente enfin
Une grande rivale qui les avale tout rond, au complet
Sans croquer et sans même aucune faim

Elle les dévore sans mâcher
Elle les digère sans difficulté
Dans son antre, ils demeurent
Avec leurs battements de cœur

Oui, c’est ici l’automne des relations
La saison où l’on coupe les ponts
Où la passion retrouve raison
Où la tête opte pour la trahison

Oui, c’est ici la grande ville
Où l’amour part en vrille
Où chaque personne n’est qu’une aiguille
De même pour chaque fin d’idylle

La grande ville populeuse
Est une grande mangeuse
D’hommes amoureux
Laissant des miettes aux banlieues

Montréal, la terrible
Tu me cribles
D’un coup de poignards
En le faisant tomber sous ton regard

Montréal, la hautaine
Tu attrapes tout
Sans qu’ils ne reviennent
Jamais rien à nous

Les feuilles tombent sur ma campagne
Et j’imagine que rien n’abîme vraiment tes trottoirs
Mais qui sait ce qui habite tes nuits noires
Des remords? oui il y en a des montagnes.

Les étoiles brillent au-dessus de mes champs
Tes lampadaires grésillent au-dessus de tes avenues
Il y a-t-il une voix qui résonne dans ton vent
Ou se fait-il longtemps qu’elle s’est tue?

Est-ce que le stade olympique vaut notre forêt?
Est-ce que tu m’aimes encore ou tu uses de l’imparfait?

Montréal, la féroce
Un jour, sentira une douleur atroce
Au ventre, à l’estomac
Et te recrachera.

©2013 Ariane B.

mardi 19 novembre 2013

Cris de buée



Tu me fais plus frissonner que l'hiver et encore mieux que ce dernier. Tes morsures sont beaucoup plus féroces que le vent rude sur mes lèvres ou toutes parties de peau que j'ai oublié de cacher. Tu me procures de la chaleur et je t'offre la tiédeur de mon corps. Je te prononces des mots brûlants - qui te laissent froid. Tout ce qui t'intéresse est la blancheur sous ces vêtements et tu es prêt à tout, même à passer pour un fou (d'amour), pour les faire fondre comme la neige au printemps. Je me déshabille : me voilà malade de toi. Et tu es satisfait, tu passes à une autre saison. Tes adieux me tuent jusqu'à glacer mon sang. Je sens mes veines devenir une patinoire. Lourdeur, m'échoir, je m'écroule mieux sur le tapis blanc, parfois noir. Tout est sale et le tapis devient gris. Je meurs un peu plus d'hypothermie. Tu m'as causée tant de maux que je pense me couvrir d'ecchymoses, mais c'est plutôt mes lèvres qui virent bleu-mauve. J'aurais voulu qu'au moins mes larmes s'échappent en flocon au lieu de couler en poison.

©2013 Ariane B.

vendredi 8 novembre 2013

Je préfère les lèvres gercées.



Je hais l’été, je hais l’été, je hais l’été, automne étreins-moi fort, hiver cristallise mes larmes et printemps n’ose plus revenir. 
©2013 Ariane B.

lundi 4 novembre 2013

Supercherie d'mon subconscient


 Scott Hunt - Nocturne


Les cartes m’ont dit
De me fier à ce que j’allais rêver
Que là-dedans, y’avait des messages cachés
Moi, je leurs ai demandé
À mes songes, audacieuse
De me montrer de demain la journée
Je me sentais pas malicieuse
Avec ma demande rêveuse
Je savais que ça allait pas arriver
J’suis pas encore medium ou sur le bord de m’illuminer
Mais quand je me suis réveillée
Et que j’ai ressassé dans mon esprit
Ce qui a bien pu se produire dans mon bordel de tête cette nuit
C’est d’une seule chose que je me suis rappelée
Ton message, sur mon téléphone, ces mots espérés
Une deuxième chance, une folie
Je laisse jusqu’à minuit
Pour que se réalise vraiment cette menterie.

©2013 Ariane B.

samedi 26 octobre 2013

Petite annonce sur le net



Bonjour, je suis architecte et décorateur d'intérieur, j'ai conçu cet appartement  pour les petites personnes déprimées. Laissez-moi vous le présenter.

Tout d'abord, la porte d'entrée grince comme ça, à chaque fois que vous sortez ou rentrez, vous avez un accompagnement sonore à votre grand sentiment de désespoir. Elle donne sur le salon, les murs y sont noirs. Le présentoir à alcool est la plus belles choses de la pièce, suivi par le téléviseur et le sofa. Cependant, ce qu'on constate en premier, c'est comme le plafond est bas. Je vous l'ai dit, c'est un appartement pour petite personne déprimée. La proximité du plafond est fait pour exprimer la métaphore d'avoir le ciel sur les épaules et de se sentir un peu prisonnier. Du même coup, si vous rencontrez quelqu'un de grand par hasard à travers la solitude qui vous enveloppe, ce sera un important problème, ça vous donnera un excuse pour couper les liens et rester un ermite. Le même plafond et les murs sont très minces, presque de carton, de sorte que vous ne pouvez même pas vous autorisez à écouter des chansons déprimantes ou du vieux rock à plein volume, de quoi être plus frustré encore. Par contre, les voisins, eux ne se dérangent pas à être silencieux. En haut de vous, les locataires aiment faire l'amour bruyamment et à côté, ils sont des rigolos, ils rigolent tout le temps : vous n'oublierez plus que vous êtes célibataire et dépourvu d'amis, promis.

Passons à une autre pièce, la chambre des maîtres ou plutôt du maître. Elle est encore sombre, mais plus dans les teintes de brun. J'ai imprégné l'endroit d'un odeur de marijuana pour que ça donne un cachet, un petit plus. J'y ai aussi installé l'endroit le plus coloré de l'appartement : un coin où des affiches de cinéma du siècle dernier, des photos de groupes qui n'ont plus passé à la radio depuis au moins 5 ans, un sympathique pense-bête pour vous rappeler que vous vivez décidément dans le passé et n'êtes pas près d'en sortir. Le lit est confortable, mais si vous ne désirez pas autant de confort, je vous l'échange n'importe quand.


Suivant, la salle de bain, plutôt modeste. Je me suis inspirée de celles des hôtels miteux, mais n'ayez crainte, il y a un bain au moins, au cas où vous auriez des petites envies noires, je sais pas, je ne suis pas suicidaire ou quoi que ce soit, mais au cinéma, les scènes de noyade dans les bains sont toujours dramatiques. L'éclairage y est rudimentaire - comme dans chacune des pièces d'ailleurs, à quoi bon avoir beaucoup de lumière si votre vie est toute grise – se qui met en valeur le jaunâtre de la peinture blanche.

Il y a cette pièce aussi, elle est vide pour le moment.

Et finalement, il y a la cuisine, elle est petite. La table n'a que deux chaises, une pour vous et l'autre pour étendre vos pieds. Si vous en voulez une troisième parce que vous avez un chat, je peux vous en vendre une identique pour une modique somme. Le frigo garde efficacement les plats congelés. En ce qui concerne l'eau du robinet, elle a un léger goût d'oeuf pourri, je me suis dit que ça n'était pas si grave parce que les petites personnes déprimées sont en général un peu alcoolique sur les bord. Nous savons tous les deux alors que se n'est pas l'eau qui étanche leur soif...


Est-ce que ça vous plaît? Je serais ravi de vous comptez parmi mes locataires! Oh oui! Ça serait même un honneur!

©2013 Ariane B.

vendredi 25 octobre 2013

Barjavel, prends garde au briquet.




Brûle mes textes si le cœur t'en dit
Le mien me souffle de brûler ton roman
Celui que tu apprécies tant
Celui que j'ai ouvert, brisée sur mon lit
Après que tu m'ais laissée, dans le parc
T'avais pas besoin de me quitter
Pour que je décide de le commencer
Ton maudit livre aux mots embués
Parce que, même si ton amour, c'était d'l'arnaque
Moi, je dis jamais non aux livres pas chers
Tu me parlais de ton amour des lettres
Tes discours m'semblaient gratuits
Je me trompais, c'est plutôt
Que y'étaient sans prix
Mon cœur croule sur les dettes qu'hier
En une heure à peine, rapido presto
T'as pas eu vraiment honte à mettre
Sur mon compte
Pourtant tu devrais, quand on s'aimait
Tes paroles j'les buvais
Et quand on parlait
J'était plantée là à me répéter
Que chaque histoire que tu me racontes
Était un putain de trésor
Parce que je t'aimais si fort
Je t'aimais pour ton corps
Mais comme je t'aimais pour tout le reste
Je t'aimais assez pour qu'en un geste
Tu puisses m'assassiner
Que j'homicide mon bonheur
Que je pleure longtemps sans honneur
Mouillant les pages que je peine à tourner
De ton salaud de livre que tu m'as prêté
Qui reste planté là sur ma table de chevet
À l'occasion, dans ma sacoche bordélique
Je peux pas lire un chapitre sans arrêt
Sans que les miettes de ma poitrine ait la colique
De jamais t'oublier
Y'a même un passage où je t'ai souligné
Un petit bout ironique
Où mon nom est cité
Et que justement, l'Ariane est démolie.


Permets-moi de brûler ton petit roman
La Nuit des Temps
Un livre que t'as lu à l'école, évidemment
Parce que même si t'aimes jaser
T'es pas quelqu'un d'assez motivé à t'cultiver de ta propre volonté
Sur la littérature, monsieur le scientifique
Pourtant, les poètes ont de l'éthique
Eux y vont pas se sauver en courant
Quand il avoue aimer comme jamais auparavant
Aimer à la folie
Ils vont aimer jusqu'aux étoiles au lieu de les étudier
Toi je te donne une occasion d'pratique
Au lieu d'étudier ton soleil en fusion, va brûler ce que je t'ai écrit
T'en as plus besoin
À moins que tu saches pas si tu reviens.
Si tu me reviens.

©2013 Ariane B.